Another history of art / Une autre histoire de l’art est une oeuvre entre la monographie satirique et un livre d’art. En réalité, l’autrice, par une démarche féministe critique, a décidé de renverser le paradigme comme quoi tous les grands artistes, du 12ème au 19ème, étaient majoritairement des hommes. Ainsi, afin de proposer un autre point de vue, celui auquel on a rarement accès dans les livres d’histoire de l’art (majoritairement écrit par et pour des hommes), la dessinatrice décide de reprendre des oeuvres majeures de l’histoire de l’art en les détournant à sa manière, dans un style parfois naïf et parfois grotesque, en modifiant le nom de l’artiste original pour les remplacer par des versions féminines. On retrouve donc Study after Innocenta XX (Fiona Bacon) ou The Guereza Guernica (Paola Picasso) mais aussi des oeuvres de Margaux Duchamp, René Françoise Magritte, Elsa Schiele et Henrietta Matisse.
Cet exercice de style opère à plusieurs niveaux. Comment raconte-t-on l’histoire des gens qui ne sont plus là mais qui continuent d’exister à travers leurs oeuvres ? L’effacement des femmes dans l’histoire de l’art n’est pas anodin. Considéré comme un outil de pouvoir mais également comme une manière d’augmenter son crédit social, l’art, comme les sciences, ont souvent été détournés pour montrer que seuls les hommes avaient de l’intérêt (ou même le talent) à s’investir dans ces domaines (d’où le mythe du »génie » étant attribué systématiquement au genre masculin). Hors, si en tant que femme (ou personne BIPOC) on a peu de modèles auxquels s’identifier en arts ou en sciences, on aura moins tendance à vouloir poursuivre dans l’une de ces voies. Bien que l’oeuvre en soi ne cherche par à renverser l’entièreté de l’histoire de l’art (et son sexisme latent), elle réussit du moins à prouver qu’il est facile et à la portée de tous.tes de refuser l’histoire et le patrimoine que l’on nous impose. Les choses et discours ne sont pas immuables.
Esthétiquement, l’artiste semble être parti des oeuvres originales pour ensuite les détourner, parfois de manière grotesque, parfois de manière provocative, en utlisant des icônes pop connues du grand public (Mickey Mouse, Popeye, ou Tweety Bird avec Nude study of a Chick)ou des références contemporaines (Woman being mansplainned, The Girl with zero fucks to give) . Le rendu final donne quelque chose de caricatural et volontairement moqueur, ce qui déplaira probablement aux historiens de l’art plus puristes (et les plus machos) – ce qui, en soi, est une excellente chose. Dans Another history of art, la provocation n’est jamais gratuite, elle sert à chaque fois un propos en remettant en question l’oeuvre elle-même, mais aussi l’artiste l’ayant crée ainsi que le contexte dans laquelle elle aura été produite. Le male gaze, le mansplainning ou encore le fantasme lesbien vu par les hommes y sont déconstruits avec intelligence. Chaque oeuvre est accompagnée d’une notice biographique de l’artiste (également détournée) afin de créer une nouvelle histoire de l’art.
Que serait le monde des arts aujourd’hui si il n’avait d’abord pas été complètement accaparé par les hommes depuis le début ? C’est dans ce questionnement large que se lance la dessinatrice Anita Kunz.
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https://www.fantagraphics.com/products/another-history-of-art
Pages 136
Format Hardback
Color Full-color.
Dimensions 8.3″ × 10.9″
ISBN-13 9781683964469