Bacchantes : Laurent Philippe

Tout est permis dans ce concert halluciné pour corps et instruments. Aucun doute : Marlene Monteiro Freitas livre une version survoltée des Bacchantes vouant un culte à Dionysos. Ode à l’imaginaire et à l’irrationnel, la pièce pour 13 danseurs et musiciens fait éclater la tragédie grecque en un carnaval orgiaque où l’ordre et le chaos s’enchaînent.

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Marlene Monteiro Freitas est une habituée du FTA (Paraiso : Coleçao privada – 2014 + De marfim e carne – 2015). Pour sa troisième apparition comme chorégraphe, elle décide de faire les choses en grand. Ses spectacles sont reconnus pour être chargés et déjantés. Il n’y a pas beaucoup d’artistes aussi déchaînée, et ça fais un bien fou. Cette fois-ci, elle passe au grand plateau de la salle Ludger-Duvernay (après avoir présenté à l’ancienne Agora de la Danse et la 5ème salle de la Place des Arts).

Autant le dire tout de suite : on ne ressort pas indemne d’un 2h15 de matraquage (et là-dedans j’inclus également les interprètes, qui se donnent corps et âmes). La créatrice nous propose une relecture bien particulière des Bacchantes d’Euripide. Mais à part quelques références subtiles à droite et à gauche, la reprise s’arrête là. Disons que la pièce sert tout au plus de toile de fond, de prétexte ou d’idée de départ pour l’oeuvre car on est loin d’une vraie adaptation de la tragédie d’Euripide. Elle reste néanmoins présente et semble être le fil conducteur de la créatrice mais on aurait peut-être aimé un peu plus de clarté dans cette partition touffue et rocambolesque.

Une fois passé cette faiblesse dramaturgique, on peut se donner à fond dans le spectacle. Car ce que les 13 interprètes sur scène nous livre n’est rien d’autre que le fond de leurs tripes. L’ambiance est déjà à la fête quand on entre dans la salle et on est accueilli par une fanfare de trombonnes prête à nous ensevelir sous les notes de musique.

Alternant les tableaux chaotiques et chorégraphiés, le spectacle évolue comme un monstre. Tout se qui semblent se construire s’écroule aussitôt et, des fragments restants, renaît quelque chose de nouveau, d’inusité, d’incongrue. En ce sens, Marlene Monteiro est en parfaite maîtrise de son oeuvre. Les chorégraphies sont d’une grande précision même si le chaos semblent règner en quasi permanence sur la scène. Déconstruction des corps, des visages, de la voix, de la musique, des objets, de l’espace, du rapport au public – tout y passe. En tant qu’iconoclaste, elle nous permet de tout jeter à terre et de laisser l’imagination prendre les devants. Le résultat est inspirant et jouissif. Le spectacle hurle une liberté vibrante.

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Bacchantes – Prélude pour une purge (Festival TransAmériques)

2 et 3 juin – 19h

Salle Ludger-Duvernay (Monument National)

http://fta.ca/spectacle/bacchantes-prelude-pour-une-purge/