Qui (ré)écrit l’histoire et dans quel but ? Bien que ces questions puissent trouver de nombreuses réponses, il en est certainement quelques-unes qui reviennent fréquemment : l’histoire est écrite par les vainqueurs avec le sang des victimes dans le but de perpétuer un discours dominant (patriotique, idéologique, etc.).

Thomas King, écrivain autochtone réputé, se lance pour la première fois dans la poésie, après avoir écrit de nombreux romans (dont La femme tombée du ciel – 2016) et des essais. C’est par l’écriture, dit-il, qu’il milite, plutôt que de se lancer tête première dans les manifestations ou actions plus extrêmes pouvant mettre sa vie en danger. L’écriture reste malgré tout une arme de choix très efficace, surtout quand la parole de l’auteur peut voyager et être diffuser largement. Soulignons au passage la traduction de l’anglais au français par Jonathan Lamy, d’une grande justesse et efficacité.

Dans Fragments d’un monde en ruine, King se donne le défi de ré-écrire, de se ré-approprier l’histoire de l’Île de la Tortue (nommée aujourd’hui les Amériques, depuis l’arrivée des colonisateurs européens). En 77 fragments, l’auteur propose une relecture, un nouveau regard sur ce qui a réellement eu lieu. Que ce soit les mythes originels, l’arrivée et l’impact négatif des empires coloniaux mais également des moments plus introspectifs, tout y passe.

(…) La nuit, il m’arrive encore de voir les étoiles,

mais il n’y a aucun espoir.

Thomas King joue à la fois au poète et au conteur, et n’hésite pas à confronter le public dans sa lecture, que ce soit par la gravité des thèmes abordés (génocide autochtone) que par la banalité de certaines phrases ( »Magasiner, c’est bien »). Dans ce livre, les origines sont entrelacées de discours quotidiens, de réflexions poignantes.

L’ennui

avec l’abîme,

c’est qu’on a pas

une meilleure vue

en s’approchant

du bord.

L’auteur va même jusqu’à proposer au public de relire encore et encore ses fragments, vers la fin du livre. Pour ceux.celles qui décideront de jouer le jeu, vous comprendrez que ce que veux dire :

(…) sachant que la mémoire n’est rien

qu’une série d’histoires qu’on raconte bien

et qu’on raconte souvent.

Au final, l’impression que laisse le recueil de Thomas King est multiple : à la fois songeur, touché et révolté, grâce à une écriture simple et accessible, dénuée d’artifices. Une écriture qui va droit au but.

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Fragment d’un monde en ruine – Thomas King (Traduction de Jonathan Lamy)

Poésie  978-2-89712-776-3    17$    112 pages

21 mai 2021 (Québec)
à venir (France/Belgique/Suisse)

http://memoiredencrier.com/fragments-dun-monde-en-ruine/