La force et la pertinence d’un concert est souvent lié à la cohérence de son programme, autour d’un compositeur, d’une époque ou d’un style. On pouvait donc être interpellé par celle du concert donné ce soir à Maison symphonique de Montréal par Les Violons du Roy et La Chapelle de Québec : Handel l’un des maîtres de la musique baroque et Haydn « père de la symphonie » et l’un des maîtres de la musique classique. Une ode poème lyrique pour l’œuvre présentée de Handel et une messe pour celle de Haydn.
Musique profane, musique sacrée. Il y a pourtant au delà de la divergente apparence la convergence de la filiation musicale de Haydn et plus généralement de son époque pour Handel comme le rappelle la musicologue et auteure Irène Brisson dans le livret du concert. Handel rappelle-t-elle n’a cessé d’inspirer les musiciens classiques notamment Mozart et Haydn sous l’impulsion du Baron Gottfried Van Swieten, bibliothécaire à la cour de Vienne. Une influence marquante au point que ceux-ci ont repris et réinstrumenté plusieurs œuvres de Handel. Des reprises qui ont parfois considère-t-on aujourd’hui où on en revient aux partitions et instruments originaux, dénaturé les pièces originales mais qui ont aussi ainsi assuré leur continuité dans le temps et ont permis cette acculturation musicale au-delà des ruptures entre musique baroque et musique classique. C’est ainsi que l’on note clairement l’influence de Handel dans plusieurs œuvres de Mozart et Haydn. Autre correspondance entre ces deux compositeurs qui composaient le programme de ce concert et évidement pas seulement anecdotique, leur parcours professionnels qui les mènera tous les deux en Angleterre. Une proximité qui amplifiera l’admiration d’Haydn pour la musique de Handel au point de lui faire écrire deux oratorios en hommage au compositeur et approfondira l’influence de Handel sur sa musique. Une influence qui marque la Heiligmesse et notamment le Credo, interprétée ce soir, créée en 1796 après son retour en Hongrie.
En mettant au programme de ce concert Handel et Haydn Les Violons du Roy nous permettent de pénétrer dans la complexité et la richesse des influences musicales et les évolutions dans le temps nous détournant de la mise en valeur des ruptures souvent retenues par d’autres formations peut-être plus spectaculaires mais aussi peut-être moins porteuses de sens et d’harmonie. Un cheminement de la création musicale que les deux formations créées par le chef Bernard Labadie ont toujours cherché avec bonheur à nous faire découvrir, ressentir grâce à leur répertoire et l’excellence de chacune des deux formations mais aussi leur exceptionnelle complémentarité et capacité à se produire ensemble.
La dédicace à Sainte Cécile, sainte patronne des musiciens, de l’Ode for St. Cecilia’s Day, de Handel (sur un poème de John Dryden) est également en elle-même un vibrant et immense hommage à la musique. Cette œuvre trouvait donc parfaitement sa place dans un concert dont la musique elle-même, son histoire, est au cœur de l’inspiration.
Encore une fois l’excellence de l’interprétation de la double formation Les Violons du Roy et La Chapelle de Québec comme des solistes magistralement choisis a triomphé ce soir. Elle est due à n’en point douter à l’exigence de leur chef comme à la maîtrise technique de tous les musiciens comme des chanteurs. Une excellence d’ensemble mais aussi une excellence de pupitre comme individuelle que le chef cherche et parvient toujours à mettre en valeur. Mais la magie n’opèrerait pas autant s’il n’y avait pas comme toujours dans leurs concerts la formidable humanité qui se dégageait sur scène. Humanité dans la direction de Bernard Labadie mais aussi dans son souci de nous entraîner autant dans l’écoute que dans la compréhension des œuvres. Humanité également dans l’évidence plaisir des musiciens de jouer comme d’être ensemble et complice des partis pris de leur Maestro. Il y a de la joie dans ce concert et pas seulement dans les œuvres elles-mêmes.
Soulignons également la magnifique performance des solistes Lydia Teuscher, soprano, Allyson McHardy, mezzo-soprano, James Gilchrist, ténor, et Tyler Duncan, baryton. Des solistes précédemment invités par les Violons du Roy et la Chapelle de Québec et dont nous avions déjà pu admirer le talent notamment : Tyler Duncan dans le Roy Arthur de Purcell, Lydia Teuscher et Allyson McHardy dans la Grande messe et Requiem de Mozart, et enfin James Gilchrist dans Salomon de Handel. C’est donc avec un grand bonheur que nous les avons retrouvés ce soir. Une fois encore Lydia Teuscher nous a ravis par l’exceptionnelle pureté de sa voix et sa parfaite maîtrise d’une partition qui va pourtant chercher jusqu’en dans les limites des sopranos. La moindre importance de la partition du baryton Tyler Duncan et de la mezzo-soprano Allyson McHardy, n’a pu que nous faire regretter de ne pas pouvoir entendre plus longuement ces deux voix chaleureuses et puissantes. Une nouvelle fois James Gilchrist a su allier force et puissance de la voix avec impressionnisme de sa présence sur scène. Il convient aussi de relever la très bonne performance des deux solistes membres du chœur de la Chapelle de Québec David Roth, basse et Sheila Dietrich Soprano qui ont souvent la fonction difficile de passer de la fonction de membre du chœur à celle de soliste dans la même interprétation d’une œuvre. À n’en point douter une distinction largement méritée.
À la question, qu’est-ce que vous souhaitez susciter comme émotion chez les spectateurs avec le concert Handel, Haydn et La Chapelle de Québec? Bernard Labadie déclarait en entrevue : « …Toutes les émotions! Parce que toutes les émotions sont dans cette musique. C’est une musique d’une grande beauté, d’une grande finesse; il y a aussi des moments dramatiques, des moments de grandeur, littéralement, où je pense que les gens pourront être saisis par la force de cette musique. La musique comme tout art est le reflet de la vie, alors toutes les émotions de la vie devraient être là; les plus belles, autant que possible… »
À l’évidence le concert de ce soir a répondu à tous ses souhaits aussi bien sur scène que dans la salle.
Bernard Labadie, chef
Lydia Teuscher, soprano
Allyson McHardy, mezzo-soprano
James Gilchrist, ténor
Tyler Duncan, baryton
David Roth, basse
Sheila Dietrich Soprano
La Chapelle De Québec, chœur
Programme
G.F. HANDEL Ode for St. Cecilia’s Day, HWV 76 (1739)
F.J. HAYDN Messe en si bémol majeur, Hob. XXII:10 Heiligmesse (1796)
http://www.violonsduroy.com/fr
3 mars 2018-
Maison symphonique de Montréal
1600, rue Saint-Urbain, Montréal
© photo : courtoisie