Un spectacle envoûtant de poésie, sur la mort, mais aussi sur la vie et les réflexions de Nelly Arcand avec six actrices exceptionnelles pour leur qualité d’interprétation. Christine Beaulieu, Sophie Cadieux, Evelyne de la Chenelière, Larissa Corriveau, Johanne Haberlin, Julie Le Breton, et une danseuse très énergique, Anne Thériault.
La mise en scène de Marie Brassard est spectaculaire avec ses neuf chambres révélées par des vitrines-fenêtres. Chaque femme évolue dans son espace et propose un chant qui est l’expression d’une obsession, d’une angoisse ou d’un espoir récurrent dans la pensée et dans l’écriture de Nelly Arcan.
Cette pièce me donne le goût de lire Nelly Arcan qui nous laisse en héritage ses textes parlant de sa douleur, de son féminisme, de son problème d’intégrer son corps et son propre monde social. Ses textes permettent de saisir l’ampleur de son intelligence et de son côté visionnaire.
Le chant du chœur, celui murmuré par toutes les femmes dans chacune des pièces, représente le personnage du spectre qui s’insinue dans l’intimité des femmes.
Voici un court résumé de quelques messages entendus ou suggérés
Nelly pleure, elle a beaucoup de tristesse en elle. Elle veut mourir pour arrêter de souffrir. Elle veut la paix. Morte, elle n’aura plus aucune raison de pleurer. Elle répète souvent qu’il ne faut pas vieillir. La beauté, la laideur est une obsession pour elle. Elle est (se sent) invisible, elle aimerait qu’on la remarque. Elle a horreur des foules. Elle pense à une mort thermique, dans l’espace. Elle étouffe dans l’étroitesse de sa cage. Elle parle d’une sœur ainée morte avant sa naissance qui prend toute la place. Elle est stérile. Sa mère souffre comme elle. Nelly ne peut plus supporter d’être elle-même.
Ni belle, ni laide, invisible, les regards glissent sur elle comme la pluie. Elle voudrait être un homme. Pour toucher avec le malheur, il faut rester bref. Vivre l’impossible ou mourir. Les putes sont condamnées à se tuer. Elle répète à plusieurs occasions que son père lui a dit d’être gentille et de demander pardon.
Elle cherche un sens à sa vie. La douleur s’en va le temps de la représentation. Ensuite elle revient.
Neuf ans après sa création, le spectacle La fureur de ce que je pense revit dans sa version originale, ce qui donne une chance à tous de voir ou revoir cette magnifique poésie. Un chef d’œuvre empreint de vérité et de vulnérabilité.
Crédit photos : Lise Breton