Le privilège des blancs, le capitalisme tardif, la péri-ménopause : OUFF!
OUFF est le plus lourd des soupirs, une expiration qui nous dépasse, l’éviction forcée de molécules obsolètes. C’est une œuvre interdisciplinaire, composée de paroles et de sons, exposant un corps mutant et un décor qui surpasse la diva. OUFF est un spectacle sur la confrontation d’une femme solitaire et fragmentée, qui négocie son propre rôle de victime et de vainqueur, de pion et de princesse, dans un monde au bord de l’effondrement où l’on décide d’aller magasiner. Un monde soutenu par la domination violente de la blanchité.
Le travail d’Alexis O’Hara rejoint le potentiel transcendant de l’accidentel, la magie universelle de l’humour et les opportunités piégées dans ce que les gens jettent. Elle a fait des tournées internationales avec ses performances de “spoken-noise” et une installation sonore populaire qui proposait une collaboration musicale spontanée entre étrangers. Elle a lancé quatre albums, un livre de poésie et une quantité suffisante de ballons gonflés à l’hélium pour que sa robe soit prise dans un lustre. Son travail a été présenté dans divers contextes à travers les Amériques et en Europe. En 2016, elle a reçu le prix Powerhouse. Alexis et son alter ego, Guizo La Nuit sont les piliers de la scène cabaret montréalaise. OUFF est sa première performance solo.
**
Il va sans dire que le spectacle de O’Hara est jouissif pour quiconque a une soif d’équité et de justice sociale. À travers un spectacle interdisciplinaire mélangeant stand-up, son, théâtre, vidéo, performance, installation et drag, Alexis O’Hara nous transporte dans le tourbillon de la blanchitude/whiteness/privilège blanc – de ce qu’elle est et de ses impacts qu’elle a sur les autres. Le monologue du début met rapidement la table sur ce quoi il est question. Nos privilèges en tant que personnes blanches nous rendent tellement la vie facile que nous pensons que tout nous revient, et dès que l’on perd un semblant de ce privilège, nous prenons des airs de chiots battus. Bref, c’est la catastrophe (incoming white tears).
Alexis O’Hara, notamment grâce à son long parcours de performeuse (ayant présentée ses performances à travers le monde), a une forte présence scénique. Électrisante, on accroche dès les premières secondes de son monologue. Le spectacle cherche à mettre en lumière tout ce qui participe à encourager les modes de domination actuels (et ce qui crée les systèmes de discrimination chez les nombreuses populations marginalisées). L’espace scénique est également bien investi et on sent que la collaboration avec son équipe de production a été fructueuse.
Dans une suite de tableaux performatifs, O’Hara nous amène avec elle dans cette déconstruction de l’icône blanche. Le ton décalé et satirique en fait un moment scénique puissant. Le spectacle se termine par une touche grandiose et grotesque qui nous rappelle à quel point le privilège blanc est envahissant. C’est le genre de projet qui mériterait d’être vu par une certaine tranche de la population (je vous laisse deviner laquelle).
Auteure, metteur en scène, design sonore, performance – Alexis O’Hara
Conception de production – Atom Cianfarani
Vidéo – Aaron Pollard
Son – Anne-Françoise Jacques
Lumières – Laura-Rose Grenier
Oeil extérieur – Dana Michel
**
En salle encore les 9 et 10 mai à 20h
Spectacle bilingue
La Chapelle – Scènes Contemporaines