Le futur est dans l’enfance. Pas seulement parce que le futur appartient aux enfants, mais surtout parce que l’enfance est le seul état dans lequel l’humain fait profondément alliance avec l’univers qui l’entoure. Or, en ces temps difficiles que nous traversons, notre principale possibilité d’un futur émancipé réside précisément dans cette alliance avec l’univers que portent en eux les enfants. Si la pédagogie est le soubassement essentiel à toute entreprise d’émancipation de l’enfant, elle doit l’accompagner dans sa création de liens avec tout ce qui vit autour de lui. Autrement dit, la pédagogie doit cultiver des liens qui libèrent. Ce n’est pas seulement une question de formation des nouvelles générations, c’est toute notre culture et notre futur qui sont en jeu.
Philippe Godard travaille avec des publics considérés comme difficiles, dans divers dispositifs éducatifs. Il est l’auteur de livres documentaires pour la jeunesse et d’ouvrages contre le travail des enfants, sur la culture numérique ou l’écologie, dont Le travail, et après? (Écosociété 2017, avec Rodolphe Christin, Jean-Christophe Giuliani et Bernard Legros).
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Quelle place pour la pédagogie au XXIème siècle ? Comment un concept aussi galvaudé peut-il avoir encore du sens aujourd’hui ? Outils politique pour certains, outils d’épanouissement pour d’autres, la pédagogie a le dos large quand il s’agit de servir ses intérêts personnels.
Dans son essai, Philippe Godard commence par faire un brève historique de l’apparition du concept de la pédagogie. S’ensuit une analyse au sens large pour nous permettre de mieux comprendre toute la richesse que ce mot peut comporter. Mais comme toutes richesses, les humains ne peuvent s’empêcher de se les approprier égoïstement et, le plus souvent, d’en faire des armes.
La pédagogie, dans notre contexte actuel, sert-elle vraiment les enfants ? Une pédagogie pour qui, pourquoi et par qui ? On se rappellera le proverbe connu »Il faut tout un village pour élever un enfant ». Dans les sociétés occidentales du XXIème siècle, on semble en être bien loin. La pédagogie est aujourd’hui devenue un outil politique et un puissant système de contrôle des générations à venir plutôt qu’une philosophie émancipatrice.
»La contradiction persiste : sans cesse déferlent de nouveaux enfants sur le monde, des enfants qu’il faut sans cesse intégrer – dans un monde comme le nôtre qui se croit parfois menacé par les enfants. Ces errements mêmes de la politique et son évolution vers la recherche d’une solution pour maintenir le pouvoir plus ou moins en l’état ont réduit la pédagogie officielle à un volet politique, à un auxiliaire du pouvoir dans sa quête de perpétuation. » (p.31)
Philippe nous parle d’une pédagogie prenant ses racines dans la bienveillance, l’écoute, la patience. Comment peut-on demander à des enfants d’obéir automatiquement à des ordres qui ne font aucun sens pour eux.elles ? Pourquoi refuse-t-on catégoriquement toutes remises en question de leur part ? D’où vient cette obsession, cette phobie envers la possibilité que les enfants puissent, un jour, être les décideur.es ? Nous devrions au contraire les accompagner dans ce processus. C’est d’ailleurs ce qui compose l’étymologie de pédagogie : celui qui accompagne (l’enfant).
On y parle de patience, de punition. Nous avons tous.tes assisté à des exemples frappants d’infantilisation dans la dernière décennie, au Québec. Une population toujours moins prise au sérieux par ses dirigeant.es, qui prennent des décisions avec toute l’arrogance patriarcale qui leur revient. Plutôt que de chercher à écouter avec bienveillance les revendications légitimes d’un peuple, on le matraque, on le gaze, on le ridiculise : voici ce qu’aura été le Printemps Érable en quelques mots. Chaque mouvement social initié (encore plus quand il est initié par une population plus jeune) se frappe à une meute de gens bornés et ignorant.es refusant toute remise en question de l’ordre établi. Courageux.euses est celui.celle qui saura affronter les flammes incandescentes du statu quo. Philippe Godard arrive à tisser intelligemment des liens entre autorité, justice sociale, le jeu, la parentalité, la transmission, l’individualité et la punition.
»Bien que la société s’atomise et que la désillusion soit très répandue, nous nous pensons comme une civilisation très évoluée et moderne. À partir de ce consensus partagé par à peu près la totalité du corps social, nous concluons, en toute logique, qu’il est de notre devoir de conserver notre société en l’état, et même, pour les plus fanatiques d’entre nous, nous souhaitons la maintenir par tous les moyens nécessaires parce qu’elle nous semble la seule viable, véritable, vraie. Un aboutissement logique de l’histoire humaine. C’est ainsi que les adultes en charge des enfants – parents et éducateurs.trices – se sentent tout naturellement investis de la mission transcendante de faire accepter le monde des adultes aux enfants, »par tous les moyens nécessaires ». La pédagogie, qui n’est pas cela en son essence, s’est ainsi muée en une stratégie politique pour la direction des enfants mis au monde par les adultes, au seul service de leur propre monde : conservation de l’existant. » (p.32-33)
Peut-être serait-il temps de réfléchir activement à la manière dont nous laissons le pouvoir se retrouver entre les mains de ceux.celles qui savent en faire le moins bon usage. Après un an de crise due à la pandémie, le gouvernement de la CAQ est l’exemple parfait d’un regroupement de personnes bornées, obtuses et condescendantes envers sa population. Le manque de transparence, l’absence totale d’écoute et d’empathie et l’augmentation des budgets de la police, les investissements dans des compagnies-trous noirs multimilliardaires nous montrent l’étendu des dégâts. Une des grandes leçons de ce livre est que la pédagogie se fait dans les deux sens : nous apprenons autant des enfants à qui nous enseignons. Cela semble banal, mais c’est un discours qui se raréfie de plus en plus. Si nous ne pouvons accepter que les choses évoluent, si nous ne sommes pas prêt.es à accepter que la transmission et l’apprentissage prennent du temps, nous ne nous en sortirons pas. Nous referons encore et toujours les mêmes erreurs et rien ne s’arrangera. Les solutions à court terme ne devraient plus être privilégiées au détriment des solutions durables. En ce sens, l’essai de Philippe Godard nous outille, nous permet de mieux articuler notre vision des choses et nous donne amplement de quoi réfléchir sur l’importance que peut avoir la pédagogie dans nos vies.
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CANADA
FÉVRIER 2021
EUROPE
FÉVRIER 2021
PAPIER
PRIX
20$ / 15€
NOMBRE DE PAGES
224
ISBN
9782897196356
NUMÉRIQUE
PRIX
14.99$ / 10.99€
ISBN EPUB
9782897196370
ISBN PDF
9782897196363