Dans cette quatrième bande dessinée, Catherine Ocelot s’interroge sur les empreintes laissées par les mots, sur ce qui rend malade et ce qui guérit, sur la nature profonde de chaque individu et sur la manière de tendre l’oreille à cette petite voix que l’on tait trop souvent.
Comme des plantes qui s’enlacent dans une serre, les récits de Symptômes s’entrecroisent et s’imbriquent les uns dans les autres pour exposer les liens qui nous unissent, mais aussi la façon dont les relations, qu’elles soient toxiques ou saines, se répercutent sur notre corps et notre esprit. Et si des fils invisibles nous reliaient pour toujours à ceux qui ont joué un rôle dans notre vie ?
La finesse des dialogues et du dessin transmettent aux lectrices et aux lecteurs toutes les émotions et réflexions, tantôt drôles, tantôt poétiques, qui émaillent le livre. Symptômes, un peu à la façon d’un rêve éveillé, explore nos mouvements intérieurs, ce qui nous transforme.
**
Nombreux.euses sont ceux.celles qui ont déjà envié leurs plantes d’appartement. Une vie calme, à regarder dehors sans se soucier du temps qui passe. Des plantes sur des étagères, sur des meubles, des tablettes. Si les plantes pouvaient parler, se raconteraient-elles comment elles en sont arrivé là ? Parleraient-elles de leurs plus grandes peurs ? Pourraient-elles se partager des recettes de cuisine ? Certains »memes » sur internet nous rappellent que nous sommes composés en grande partie d’eau et que nous avons besoin de soleil pour survivre, ce qui fait de nous des plantes avec des émotions, ni plus ni moins.
En ce sens, Catherine Ocelot réussit à créer une œuvre sensible à la fois douce et touchante. Les protagonistes du roman graphique sont aux prises avec des peurs existentielles mais il semblerait que la solution se trouve dans la communauté. Atterrir dans un havre de paix et avoir des gens à qui parler dans un groupe de soutien, en l’occurrence celui des Solitudes Anonymes. C’est ainsi que des personnages aux profils bien différents se retrouvent ensemble à échanger et partager sur leur vie intime. Catherine cherche sa mère intérieure, Mireille essaye, à 70 ans passé, d’apprendre à prendre soin d’elle, Esther parle de ses troubles alimentaires. Les causes sous-jacentes sont-elles reliées à leur contexte intime et social ? Qu’est-ce qui fait que, dans la serre, les plantes s’intoxiquent et fanent ? Comment prendre soin de son écosystème intérieur ? Et si nous sommes tous.tes relié.es par des fils invisibles, comme le suggère l’autrice, est-ce que ce mal de vivre peut se transférer d’une personne à l’autre ? Doit-on alors chercher à tisser ou resserrer nos liens sociaux lorsque nous nous sentons sombrer ? La théorie qui veut que nous sommes des animaux sociaux ne datent pas d’hier, c’est pourquoi le taux de dépression et de problèmes de santé mentale n’a fait qu’augmenter depuis les dernières décennies, à une époque ou l’individualisme semble être la doctrine par excellence à privilégier.
Entrecoupés de fresques parfois silencieuses, parfois métaphoriques, le récit se construit par accumulation de moments simples et quotidiens de chacun.e des protagonistes. Le trait délicat et minimaliste de Catherine Ocelot nous permet de mieux ressentir cette humanité. C’est une œuvre apaisante qui, malgré les sujets sensibles abordés, gagne en force par la simplicité de son exécution. Au final, nous ne sommes jamais vraiment seul.es dans la serre. Il faut simplement avoir le courage de tendre ses feuilles vers les autres, le temps que la tempête passe.
**
Date de parution | 25 janvier 2022 |
---|---|
ISBN | 978-2-924049-95-2 |
Pages | 288 |