Première québécoise officielle | 2018 | États-Unis/Indonésie | Sasha Friedlander et Cynthia Wade | 80:00 | documentaire | indonésien avec s.-t. français
Quand Dian avait six ans, elle a entendu un bruit sourd et s’est retournée pour voir un tsunami de boue se diriger vers son village. Sa mère et elle, tout comme 40 000 autres personnes, ont dû fuir. Seize villages ont été ensevelis sous soixante mètres de boue, recouvrant ce qui avait autrefois été une région résidentielle et industrielle prospère. La cause? La compagnie indonésienne, Lapindo Brantas, en forant à la recherche de gaz naturel, a heurté une source de boue souterraine qui n’a cessé depuis de se répandre. Filmé sur six ans, GRIT suit la transformation de Dian, de jeune fille à activiste écologiste déterminée à défendre ses concitoyen.nes contre le pouvoir et l’immunité des grandes compagnies.
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L’ouverture du Festival Filministes (qui en est à sa deuxième édition) commence en force avec un documentaire coup-de-poing de Sasha Friedlander et Cynthia Wade, relatant les événements ayant eu lieu en Indonésie entre 2006 et 2012.
On ne sera pas surpris d’apprendre, une fois de plus, que l’avarice et la cupidité des uns aura entrainée la destruction des autres (en l’occurence beaucoup d’autres personnes). Dans ce cas-ci, la compagnie pétrolière Lapindo aura décidé de jouer à la roulette russe avec la nature au point de détruire des dizaines de kilomètres carré de territoire, des centaines de milliers de personnes à être déplacées puisque leurs maisons auront été ensevelies sous 60 mètres de boue chaude. En 2006, lors d’une de ses activités de forage pas loin du village de Porong, Sidoarjo (Indonésie), une poche sous-terraine est perçée, créant ainsi le plus grand volcan de boue du monde. À son apogée, le volcan déversait 180 000 mètres cube de boue, recouvrant ainsi les 16 villages avoisinant, détruisant la faune et la flore à des kilomètres à la ronde, ne laissant rien de vivant sur son passage. Rayé de la carte. Les habitant.es du coin ont intenté des poursuites envers Lapindo, sans succès : la justice aura tranché en faveur des riches, des scientifiques ayant apporté des »preuves » que le volcan n’aurait pas été réveillé par les activités de forage de la compagnie, mais par un tremblement de terre ayant eu lieu quelques jours auparavant. Il faudra 10 ans aux habitant.es pour obtenir un dédommagement, situation qui les laisser dans la plus grande précarité. La plupart devront sacrifier les études de leurs enfants puisqu’ils.elles n’auront plus les moyens de les financer.
Cette histoire en est une parmi tant d’autres, à l’exception que les dégâts sont considérablement plus grands qu’une marée noire : le volcan de boue continue aujourd’hui de se déverser et la surface recouverte augmente jour après jour. Pendant le film, on assiste à une scène où un artiste construit des statues d’argile et les plante dans ce désert cauchemardesque. Quelques années plus tard, elles sont presque entièrement submergées.
Le film suit le parcours de plusieurs protagonistes, incluant celui de Dian et de sa mère. On y parle de l’importance de transmettre le désir de justice, mais aussi de de la façon dont ce désastre est perçu à l’international, amenant des gens avides d’expériences, prenant des selfies dans ce désert de boue séchée. Bien qu’étant construit comme un documentaire, le film nous en met plein la vue avec des plans autant saisissants qu’intimes, dévoilant parfaitement comment des désastres socio-écologiques peuvent avoir un impact dans différentes strates de la vie des gens. Ces 6 années de tournage couvrent de plus les élections du nouveau gouvernement, dans l’opposition duquel figurera… le PDG de Lapindo, grand partisan de la cause du partie Golkar. Celui-ci est d’ailleurs appelé en entrevue dans le cadre du documentaire et brille par son attitude bornée et détachée, ne montrant aucun remords et n’avouant aucune responsabilité, attidude typique que l’on reconnait aux dirigeants des entreprises pour qui le profit est la seule chose qui compte.
Au final, et pour résumer grossièrement les événements sur une ligne du temps : Lapindo aura forgé et éveillé le volcan de boue, détruit des vies et des paysages et les habitant.es auront obtenu justice après 10 ans de luttes acharnées. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Lapindo prétextera ne pas avoir l’argent pour dédommager les habitant.es et demandera que le gouvernement leur fasse un prêt pour les aider à débourser une telle somme. Mais pour être en mesure de rembourser sa dette au gouvernement, Lapindo dit que la compagnie devra reprendre ses activités… de forage. Sans nouvelle réglementation quelconque. On ne s’en sort pas. Lorsque la nouvelle surgit dans les médias, la mère de Dian s’écroule et avoue ne plus avoir la force de se battre, de recommencer tout à zéro. Sa fille, qui aura entre temps grandi, sera prête à prendre la relève pour continuer la lutte face à une compagnie sans scrupule.
GRIT est un documentaire d’une grande pertinence qui nous en apprend toujours plus sur les meilleurs et les pires côtés de l’être humain face à l’adversité, nous avertissant par le fait-même que nous ne sommes pas à l’abri d’un tel désastre, au Québec, avec toutes ces compagnies pétrolières remplies d’abruti.es – et pire, soutenues elles aussi par le gouvernement. N’attendons pas de finir sous 16 mètres de boue nous aussi avant d’agir. On nous dit constamment qu’il est impossible de lire dans l’avenir. Pour une fois, c’est possible. Si nous voulons savoir à quoi ressembleront les paysages longeant le fleuve St-Laurent et ses alentours, il suffira de regarder GRIT pour en avoir un bref et terrifiant aperçu.
Le très beau Festival Filministes continue jusqu’au 11 mars. Et on espère que ça continuera pour les années à venir !
Pour plus d’infos : https://filministes.squarespace.com .