Cessons-nous un jour d’apprendre sur la sexualité ? Comment écouter nos instincts malgré les diktats de la société et les attentes de nos proches ? L’artiste caméléon Dana Michel parcourt son histoire personnelle et le paysage autour d’elle pour se réapproprier ses pulsions endormies. Au pays de la sexualité, la performeuse cherche à exploiter son plein potentiel humain.

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Dana Michel est une des grandes artistes de son époque. C’est dit.

Après Yellow Towel (2013) et Mercurial George (2016), Dana Michel nous revient avec un nouveau solo percutant et mystérieux. L’artiste semble continuer un cycle commencé avec Yellow Towel alors qu’elle plonge de plus en plus dans les couches de son identité. Dans ce nouveau solo, elle aborde une fois de plus ce combat contre toute normativité ou tentative de domination du corps et de l’identité. Elle passe d’une image à l’autre avec tellement de subtilité que l’on ne voit pas les choses évoluer. Dana Michel pétrit l’espace et les objets et nous emporte dans un tourbillon incessant de gestes polysémiques qui aborde ses diverses questionnements quant au spectre de notre identité.

Ses œuvres sont denses et prennent toujours beaucoup de temps avant de se diluer dans nos têtes. Dana soulève la poussière en soufflant dessus de la manière la plus étrange qui soit. Elle arrive constamment à nous surprendre au point où on se croirait dans un spectacle de magie. Les objets surgissent souvent de nul part et servent de manière incongrue. Mais il ne faut pas se méprendre : l’artiste sait exactement où elle nous amène et sa présence nous aimante à ses gestes.

Ses spectacles (presque à la limite de l’art performance) sont toujours jouissifs à regarder et Cutlass Spring n’échappe pas à la règle. La grande liberté qu’elle se donne sur scène est inspirante et nous donne qu’une envie, c’est d’abattre les murs que nous construisons sans cesse, autour de nos relations, des autres et des divers aspects de notre personnalité. Cutlass Spring est aussi le premier spectacle de la série à proposer une disposition du public aux quatre côtés de la scène, ce qui nous permet d’avoir un nouvel angle (dans tous les sens du terme) sur son travail.

Avec Dana Michel, on navigue toujours entre tragédie et absurdité. C’est une oeuvre qui devrait être vu plusieurs fois pour nous permettre de saisir toutes les subtilités de son travail. Il est à voir maintenant si l’artiste continuera sur sa lancée et, surtout, comment elle arrivera à creuser sans nécessairement frapper un mur. Rares sont les artistes qui sont aussi constant dans leur rythme de création et qui arrive à se renouveler (et où la qualité ne se perd pas dans la pression de vouloir plaire et rejoindre les attentes). On espère que Dana Michel continuera dans la même direction et avec autant de rigueur.

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Cutlass Spring

31 mai au 3 juin – 21h

Théâtre Prospero

http://fta.ca/spectacle/cutlass-spring/