failure c’est un long poème / quelque chose comme un livre / pour les faibles/ un recueil pour les zéros les moins que rien / bums goons et vagabonds / pour les soleils sagittaires qui savent pas ce qu’ils veulent / les cancer rising qui pleurent sur leur sort / et les lunes en balance qui dumpent / leur destin in the hands of others
**
Où que l’on soit, peu importe le métier que l’on fait, une chose est sûre : l’échec ne fait pas partie de nos options. Nous sommes constamment mis sous pression. La réussite ne semble être la seule chose acceptable dans les discussions-mise-à-jour lorsque nous voyons nos ami.es, nos collègues, notre famille. Il faut réussir, c’est important. Du moins, si on ne vise pas à la réussite, il faut au moins prétendre essayer. Ingrate est la situation où la réussite et la reconnaissance semblent être un tandem qui, comme un bâton de limbo, nous pousse à nous abaisser pour mieux impressionner nos ami.es/familles/connaissances/whatever.
Ce qui est encore plus malaisant est que la réussite, c’est comme la propreté. Personne n’a la même définition ni les mêmes standards. Alors, comment fait-on pour évaluer ce qu’est une réussite (et donc, par l’effet contraire, un échec) ?
Emmanuel Deraps nous amène dans les âpretés d’un quotidien où les pensées s’entrechoquent, se contredisent, s’entremêlent. Un éloge de l’échec. Un parfait uppercut à ceux et celles qui ne prêchent que pour la réussite. Entre journal intime, poésie et parfois même manifeste revendicateur, Deraps nous offre une brillante vision de l’échec.
oui je dis
la poésie meurt encore un peu
chaque fois qu’on efface
ses failles ses failures
et toutes ses fulgurances du faire
à l’oeuvre
Voilà l’échec sous toutes ses formes : professionnel, intime, familial, relationnel. Tout le monde veut réussir, tout le monde a cette phobie de l’échec, tout le monde veut laisser une trace et personne ne veut tomber dans le silence.
si je meurs mon amour
dis-moi que tu pourras
comme on se l’état promis
m’inventer une fenêtre froide
une sortie de secours
plus gracieuse que l’overdose
pour éviter la honte à ma mère
Ce recueil, divisé en sept parties, nous permet de passer doucement à travers le quotidien intime d’un poète (des moments de déprime à la maison aux open-mic et des soirées poétiques montréalaises), le tout accompagné des illustrations faites par Valentine Abraham. C’est un recueil qui nous rappelle que la beauté des choses se niche dans leurs défauts, dans notre incapacité à atteindre la perfection.
**
Failure
Emmanuel Deraps
Éditions Del Busso
120 pages — 16,95 $ — ISBN 978-2-924719-63-3
Avril 2019