La ciné-conférence Copenhague, à la découverte du bonheur de la série 2025-2026 des Grands Explorateurs a fait salle comble lundi au Grand Théâtre de Québec, confirmant l’attrait du public pour ce voyage sensible au cœur de la capitale danoise et de son fameux art de vivre. Portée seule sur scène par la réalisatrice et journaliste Julie Corbeil, la soirée a pris des allures de rencontre intimiste dans une grande salle, où le récit de voyage se doublait d’une véritable réflexion sur ce qui rend une société plus humaine et plus heureuse.
Pendant la projection, les réactions se font entendre à l’évocation du coût de la vie – ce latte à près de 9 dollars qui donne le ton – mais aussi devant les images de vélos sous la neige, des marchés de Noël illuminés et des espaces publics animés par toutes sortes d’activités gratuites. La conférencière insiste d’ailleurs sur ce paradoxe danois : une capitale parmi les plus chères d’Europe, mais où l’on peut vivre pleinement la ville simplement en profitant des parcs, des canaux, des pistes cyclables ou même de sorties en kayak offertes en échange d’un coup de main pour ramasser les déchets.
Julie Corbeil, une documentariste de terrain
Au fil de la soirée, Julie Corbeil se dévoile autant que la ville qu’elle filme. Journaliste de formation, elle rappelle qu’elle œuvre depuis près de vingt ans comme réalisatrice de documentaires, principalement pour la télévision et les ciné-conférences de voyage. Elle souligne que ses projets ont souvent été menés en équipe pour de grands diffuseurs, mais que l’aventure avec les Grands Explorateurs se joue autrement: seule ou presque, souvent en famille, elle signe la recherche, le tournage, le montage et la diffusion. Ce mode de travail artisanal donne à son film un ton très incarné, où sa propre voix – parfois celle d’une Québécoise un peu dépaysée par la « nordicité douce » de Copenhague – guide le spectateur.

Dans sa présentation, elle rappelle aussi son amour de longue date pour l’Amérique latine et le chaos sympathique des villes comme Mexico. C’est d’autant plus frappant de la voir se laisser séduire par un pays nordique à la réputation plus austère, qu’un jour quelqu’un lui a décrit comme le plus latin des pays scandinaves. Ce décalage nourrit son regard : loin d’un simple reportage touristique, son film questionne la notion de bonheur, le rôle de l’État-providence, l’équilibre travail-famille et la manière dont une ville peut être pensée à l’échelle humaine.
Une ville modèle pour la mobilité et le mieux‑vivre
Au cœur du film de Julie Corbeil, Copenhague apparaît comme un laboratoire vivant de ce que peut être une ville conçue pour la qualité de vie plutôt que pour l’automobile. La réalisatrice consacre de longs segments à la mobilité durable : métro automatisé efficace, trains, autobus, mais surtout ce réseau de pistes cyclables qui structure le quotidien des habitants. Elle rappelle qu’environ 60% des Copenhaguois se rendent au travail à vélo, été comme hiver, sur des infrastructures pensées pour la sécurité et la fluidité, souvent dégagées en priorité lors des tempêtes de neige.
Cette vision résonne particulièrement avec la réalité de Québec, où le maire Bruno Marchand multiplie depuis quelques années les annonces et projets pour faciliter la mobilité à vélo, développer des axes sécurisés et réduire la dépendance à la voiture en milieu urbain. Dans la salle, l’évocation des « autoroutes à vélos » de Copenhague, de la réduction graduelle des stationnements au profit de places publiques et de rues piétonnes ne peut qu’interpeller un public qui suit de près les débats locaux sur les pistes cyclables, les liens interquartiers et la revitalisation des centres-villes. Le film de Corbeil agit ainsi comme un miroir possible pour Québec : il montre qu’un virage stratégique, porté par une volonté politique constante, peut transformer en profondeur la manière d’habiter la ville.
Un regard profondément humain et bienveillant
Au-delà des statistiques de bonheur, des palmarès internationaux ou des prouesses d’urbanisme et d’architecture, ce qui marque le plus dans la ciné‑conférence, c’est le regard profondément humain de Julie Corbeil. La documentariste donne la parole à des Danois de tous horizons – chercheurs, artisans, chefs, habitants ordinaires – qui racontent leur manière de cultiver le bien‑être, mais aussi les zones grises : la pauvreté plus discrète, la surreprésentation de communautés autochtones itinérantes venues du Groenland, ou encore les politiques migratoires plus strictes qui font l’objet de critiques. Elle n’idéalise pas le Danemark, mais choisit d’illuminer ce qui fonctionne, sans taire les angles morts.
Cette bienveillance se retrouve dans sa façon de filmer le quotidien : bougies allumées dans les appartements, préparation lente du pain au levain, rituels de café, glissades sur patinoires de quartier, conversations au bord des canaux. Le « hygge » n’est pas présenté comme un concept marketing, mais comme un art de vivre ancré dans de petits gestes de douceur, de soin de soi et des autres. En quittant la salle du Grand Théâtre, plusieurs spectateurs semblent repartir non seulement avec l’envie d’aller à Copenhague, mais aussi avec la question intime qui habite la réalisatrice : comment habiter sa propre vie – et sa propre ville – de façon plus sereine, plus solidaire et plus humaine.
Sherbrooke recevra ce nouvel épisode des Grands Explorateurs le 29 novembre
Les représentations de Copenhague – à la découverte du bonheur se terminent à Sherbrooke ce samedi. Si vous êtes de la région, achetez vos billets, car il s’agit d’une valeur sûre autant pour le sujet que pour le contenant. C’est pour moi l’une des ciné-conférences les plus abouties et agréables que j’ai eu l’occasion de regarder depuis bien longtemps!
Vous avez aussi la possibilité de visionner la conférence en ligne à partir du 15 décembre. Une belle occasion de plonger dans la ville danoise et de vous mettre dans l’ambiance des Fêtes!
