le chef fondateur de La Chapelle de Québec et des Violons du Roy, Bernard Labadie, avait choisi de mettre au programme de ce concert dédié à « l’univers de l’Autriche impériale de la fin du Siècle des Lumières » deux Messes de deux des plus renommés compositeurs de cette fin de 18ème siècle: La messe du couronnement (Krönungsmesse , K. 317; 1779) de Mozart et la « Messe Nelson » (titre postérieur, ou Missa in Angustiis, Hob. XXII:11 1798) de Haydn.
Présente dès le Moyen âge la Messe est l’une des œuvres majeures de la musique religieuse tant pour l’importance liturgique de l’office auquel elle se rapporte que parce qu’elle est la plus favorable à la création d’œuvres monumentales. Toutefois, aux époques baroque puis classique elle s’est peu à peu éloignée de leur caractère purement liturgique pour devenir au moins autant des créations musicales que l’expression d’une piété religieuse.
Ces œuvres sont commandées par les grands des royaumes, princes, rois, et hauts membres de la noblesse ou du clergé, parfois pour accompagner les messes ordinaires mais aussi pour des messes spécifiques à l’occasion des temps forts du calendrier liturgique, Noël, Pâques, couronnement de la Vierge comme des évènements sociétaux et politco-religieux dans ces sociétés où les trois sont intimement liés : enterrement, anniversaires… la Réforme a également permis à la langue profane désormais langue du prêche dans toutes les religions qui en sont issues de pénétrer cette musique éminemment religieuse jetant ainsi un pont entre musique profane et musique sacrée, laissant le latin aux œuvres destinées aux célébrations catholiques comme c’est le cas dans les deux messes jouées ce soir.

Des pièces plus courtes accompagnent aussi parfois d’autres temps du calendrier liturgique comme l’Ave verum corpus (K. 618) de Mozart au répertoire de ce concert et ce, même si le chef Bernard Labadie a choisi de l’intégrer dans la messe du couronnement pour la limpidité du programme. Comme auditeur, j’aurais préféré le choix de programmation original de présenter l’Ave verum corpus en premier comme pièce séparée. Ceci aurait aidé à « debalancé” l’effet un peu trop évident de simplement assister à deux Messes, un après l’autre, de deux compositeurs de la même époque et interprétées avec le même ensemble et solistes. En même temps, les altos n’auraient pas eu à assister sans jouer durant tout le reste de la première Messe (à part les 46 mesures de l’Ave verum Corpus)!

La Messe du couronnement, contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, n’est pas liée à un avènement royal mais a été écrite en « hommage » à un tableau «  la Vierge à l’enfant » dans l’église du pèlerinage de Maria Plain église de proche de Salzbourg où Mozart, quelque peu amer a du se résoudre à revenir après des déboires professionnels et sentimentaux à Mannheim et Paris.
Quant à la Messe Nelson elle a été écrite en 53 jours à peine, alors que Haydn est de retour en Autriche, à la cour des princes hongrois Esterhazy rappelé par Nicolas II le petit fils du prince Nicolas 1er protecteur de la musique qui l’avait employé durant plus de 20 ans. Cette Messe a connu deux versions la première moins instrumentale et orchestrale que la seconde. Elle fut en effet composée en 1798 alors que Nicholas II avait congédié pour des raisons budgétaires son ensemble d’harmonie. Ce n’est qu’en 1801 que son auteur autorisa dans l’œuvre les instruments absents dans la première version notamment la plupart des instruments à vent.

La première partie du concert était consacrée à la Messe du couronnement et à l’Ave verum corpus. L’ensemble, comme toujours dans les concerts des Violons du Roy et de la Chapelle de Québec était techniquement impeccable même si l’on sentait peut être parfois que la soliste soprano Karina Gauvin qui remplaçait la soliste pressentie à l’origine, malade,  n’atteignait pas le sommet de ses possibilités. Mais l’ensemble cependant manquait de relief, de conviction l’Ave verum corpus notamment. On avait un peu trop la sensation que l’orchestre s’échauffait, jouait un peu trop vite cette première partie ou se réservait pour la pièce principale de ce concert, la Messe Nelson. Et là, effectivement, on a retrouvé la flamboyance de cette double formation. Karina Gauvin affirmait également l’assurance et le développement complet de sa voix. La partition comme l’instrumentation avec la présence des percussions y aidaient certainement, nous offrant cette musique sacrée aux accents symphoniques alliant dans une symbiose harmonieuse pré-romantisme et influences baroque notamment de Handel et même de Mozart. On y retrouvait la puissance, la force musicales alliées à l’exaltation religieuse en même temps que l’angoisse qui pointait dans cette œuvre dénommée aussi Missa in Angustiis, et dont selon certains la dédicace à Nelson serait légèrement postérieure à la création mais conviendrait parfaitement à cette angoisse qui montait en Europe face aux victoires de Bonaparte. C’est un peu comme si Haydn avait donné la puissance mozartienne qui manquait à la Messe du couronnement en tout cas dans l’interprétation qui nous en a été donnée ce soir. Ainsi, le musicien, que certains appellent le père de la symphonie a su transmettre et mettre au service de cette œuvre religieuse la force qu’il a développé dans ses œuvres profanes. Une force que l’interprétation de ce soir nous transmettait pleinement.

On reste donc un peu ambivalent à l’issue de ce concert. Une ambivalence à laquelle les deux formations comme Bernard Labadie ne nous ont pas habitués. Déséquilibre de la programmation et /ou de l’interprétation? Autre étrangeté le placement des quatre solistes derrière l’orchestre juste devant le chœur. De ce fait, leur interprétation étaient un peu comme étouffée par le chœur et il était notamment difficile d’isoler la pourtant excellente mezzo soprano Mireille Lebel.
Pareillement, pourquoi scinder en deux les instruments à vent de part et d’autre de l’orchestre? Enfin dernier petit détail mais assurément étonnant quand on connaît la rigueur et le professionnalisme de cet orchestre au service de la musique jouée comme du spectacle offert la curieuse partition tenue durant toute la soirée par Karina Gauvin. On aurait dit un simple cahier de travail.

W.A. MOZART
Ave verum corpus, K. 618
Krönungsmesse (Messe du couronnement), K. 317
F.J. HAYDN
Missa in Angustiis, Hob. XXII:11 « Messe Nelson »
Bernard Labadie, chef
Karina Gauvin, soprano
Mireille Lebel, mezzo-soprano
Lawrence Wiliford, ténor
Neal Davies, baryton
La Chapelle De Québec, chœur
Les Violons du Roy

http://www.violonsduroy.com/fr
3 novembre 2018
Maison symphonique de Montréal
1600, rue Saint-Urbain, Montréal
© photo : Marc Giguère