« Au commencement était la mort. »

Nous étions tout autour, écoutant sa respiration. Le souffle court et souffreteux, voilà qu’elle s’époumonait, la mort, luttant pour se faire dieu avant que la nuit tombe pour clore l’ouverture de la représentation.

La scène en-dessous, assis ou couchés sur l’assemblage de matelas nuageux étalés; accoudés, adossés, accrochés presque aux bûches parsemées çà et là, nous faisions semblant de ne pas nous observer, gênés par ce silence d’avant l’après, espérant un premier jour qui se serait levé comme le rideau rouge dont le théâtre avait été dérobé.

La lumière fut, enfin. Une femme se tenait debout, puis deux, puis cinq qui, passant parmi nous, se prenaient à dialoguer, à rire, à chanter. De l’orgue leur répondait tandis qu’elles s’apostrophaient, en français, en anglais, qu’elles s’interrogeaient, du regard et qu’elles se renvoyaient le fil des paroles qu’elles enchevêtraient afin de raconter, à plusieurs voix confondues, le monde et l’homme et le monde de l’homme en leur début.

Nous tournions sur nous-mêmes afin de pouvoir suivre ces parques qui se mouvaient à pas dansants, ces nornes qui jouaient à dévider sous les éclairages en clair-obscur la trame de notre destin, ce fond commun qu’elles parvenaient à suspendre à cette unique note porteuse d’éternité – ici et maintenant. Nous communions en ce territoire un moment, murmurant quelque rime profane autant que sacrée.

Sur un mur de béton, hors du temps, elles accrochaient les noms de nos proches disparus, les décrochaient, les jetaient dans un fanal, les en retiraient pour nous les échanger contre d’autres post-it à déplier. Entre nos mains, des prénoms, familiers ou inconnus, revenaient à la vie, et parfois, avec eux, un vécu.

À la fin, une fois l’heure de spectacle terminée, nous nous relevions, retrouvés, laissant déjà s’oublier la vérité dans le secret que nous venions d’entendre à nouveau. Coulait en nous toutefois le breuvage offert au début du voyage, et son message en écho – I don’t fear. Ne nous restait qu’à partir.

L’Espace Libre derrière nous, nos premiers pas dans la neige fraîchement tombée méditaient ce terrible don, mais beau, et notre humaine nature ou condition – notre mortalité.

Après Gloria, Mykalle Bielinski composait musique et poèmes pour les interpréter parmi nous, en polyphonie avec Florence Blain Mbaye, Élizabeth Lima, Émilie Monnet et Laurence Dauphinais.

Une création qu’il fallait écouter, absolument, au passé, ou au futur, puisque Mythe durera jusqu’au 16 février.

 

Interprétation : Mykalle Belinski, Florence Blain Mbaye, Élizabeth Lima, Émilie Monnet et Laurence Dauphinais

Production déléguée : LA SERRE — arts vivants
Dramaturgie : Sophie Devirieux
Scénographie : Odile Gamache
Conception lumières : Hugo Dalphond
Conception sonore : Joël Lavoie
Direction technique et assistance à la mise en scène : Claudie Gagnon
Mentor au mouvement : Mélanie Demers
Direction de chœur : Stacey Brown et Mélodie Rabatel

Crédits photographiques : RuGicomm