LA GLACE PART EN MORCEAUX

Charlotte Gosselin – Éditions Pow Pow

Une femme mesure le vide qui l’habite pendant que son amour se rétablit au centre de thérapie. Maintenant seule dans leur appartement, elle répète les gestes qu’elle a faits tant de fois, nuit après nuit. Elle fouille la poubelle et les fonds de poches de manteaux, cherche la voiture dans la rue, en quête d’indices qui lui prouveraient que l’autre – qui n’est pourtant plus là – aurait consommé.

Elle se demande si, comme pour la débâcle au printemps, réussir à se détacher est quelque chose qui arrive subitement ou si cela se prépare longuement sous la surface.

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Charlotte Gosselin livre avec La glace part en morceaux une bande dessinée intimiste qui explore les fissures de l’existence quotidienne. Son trait minimaliste, presque épuré, sert admirablement le propos : des vies qui se délitent doucement, sans fracas. L’autrice excelle dans la suggestion plutôt que l’exposition, laissant au lecteur le soin de combler les silences.

Toutefois, cette approche contemplative peut dérouter. La narration elliptique et les transitions abruptes entre les scènes exigent un effort d’interprétation qui frôle parfois l’hermétisme. Les personnages, volontairement esquissés, peinent à susciter l’empathie nécessaire pour maintenir l’attention sur 150 pages.

Malgré ces réserves, Gosselin démontre une sensibilité graphique remarquable. Son travail sur les blancs et les espaces vides crée une atmosphère mélancolique prégnante. Une œuvre exigeante mais sincère, qui trouvera son public chez les amateurs de récits introspectifs.

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Date de parution – 16 Sep 2025

Date de parution (Europe) – 23 Jan 2026

Pages – 300

Langue – Français

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FESTIVAL ACTIVISM – INDIANA UNIVERSITY PRESS

Edité par David A. McDonaldAndrew Snyder and Jeremy Reed

Avec des contributions de Oladele AyorindeFilippo Bonini BaraldiLouise BarrièreEric FillionJennie GubnerDeonte L. HarrisSteven HatcherAjay HebleSerene HuleilehKimberly MarshallDavid A. McDonaldRuthie MeadowsMiguel MonizJames NissenJeremy Reed and Andrew G. Snyder

Depuis des décennies, les festivals constituent des terrains d’enquête importants tant pour les folkloristes que pour les ethnomusicologues en tant que célébrations de la culture. Dépassant toutefois les discussions traditionnelles sur la culture scénique et le multiculturalisme, ce volume collectif explore comment les festivals peuvent être mobilisés comme formes stratégiques d’action directe.

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Festival Activism d’Indiana University Press propose une analyse ambitieuse des festivals comme espaces de contestation politique et sociale. L’ouvrage réunit des contributions variées qui examinent comment ces rassemblements temporaires deviennent des laboratoires d’activisme, de la contre-culture aux mouvements contemporains.

La force du recueil réside dans sa portée internationale et interdisciplinaire, croisant sociologie, études culturelles et sciences politiques. Les études de cas sont riches et documentées, offrant un panorama convaincant des tactiques festivalières de mobilisation.

Cependant, l’hétérogénéité des approches nuit à la cohérence d’ensemble. Certains chapitres s’enlisent dans un jargon académique dense qui obscurcit plus qu’il n’éclaire. On regrette également une réflexion insuffisante sur les limites et récupérations commerciales de cet activisme festif.

Malgré ces faiblesses structurelles, l’ouvrage ouvre des pistes stimulantes pour penser l’intersection entre célébration et subversion. Un outil précieux pour chercheurs et organisateurs culturels, à condition d’en faire une lecture sélective.

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336 Pages, 

6.00 x 9.00 in,

Illustré en noir et blanc

Hideo Kojima, aux frontières du jeu

Figure majeure du jeu vidéo depuis bientôt quarante ans, Hideo Kojima a dès sa première création, Metal Gear, initié un genre entier, le jeu d’infiltration, qu’il réinventera sans cesse dans les épisodes suivants, les Metal Gear Solid. Sorti avant la crise du COVID-19, son dernier jeu, Death Stranding ne ressemble à rien de connu, tout en résonnant pleinement avec notre présent : le joueur y incarne un livreur bravant un environnement devenu toxique, afin d’apporter leurs colis à des humains terrés dans des bunkers connectés.

Alimentées par sa culture filmique et littéraire, les œuvres de Hideo Kojima ébranlent le joueur, le poussent à s’investir émotionnellement et mentalement. Hideo Kojima, aux frontières du jeu est une plongée dans un univers adulte et complexe, aux procédés à la fois spectaculaires et expérimentaux, qui questionnent notre place face au jeu et notre positionnement social, tout en brisant les barrières entre mondes réel et virtuel, cinéma et jeu vidéo, rire et tragédie.

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Erwan Desbois signe une monographie ambitieuse consacrée à l’une des figures les plus polarisantes du jeu vidéo. L’ouvrage décortique l’œuvre de Kojima avec sérieux, analysant sa signature narrative et son obsession pour le cinéma, de Metal Gear à Death Stranding.

La démarche critique est louable : les auteurs évitent l’hagiographie pour interroger les contradictions d’un créateur tiraillé entre innovation et indulgence. Les chapitres sur la mise en scène et la métafiction vidéoludique offrent des analyses stimulantes, révélant la complexité d’une œuvre souvent réduite à ses excès.

L’ouvrage comble un vide dans la littérature francophone sur le game design d’auteur. Une introduction solide, quoique imparfaite, à l’univers kojimien.

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Erwan Desbois – publié le 06 septembre 2022

EdPS027 – 14 x 18,3 cm – 160 pages –

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Défaire le suicidisme : Une approche trans, queer et crip du suicide (assisté)

Alexandre Baril

Dans Défaire le suicidisme, Alexandre Baril soutient que les personnes suicidaires sont opprimées par ce qu’il appelle le suicidisme systémique, une oppression cachée qui n’a pas été nommée et théorisée à ce jour. Chaque année, le script suicidiste et ses stratégies préventionnistes reproduisent une violence et causent une souffrance additionnelle pour les personnes suicidaires par le biais de formes de criminalisation, d’incarcération, de discrimination, de stigmatisation et de pathologisation. Cela est particulièrement vrai chez les groupes marginalisés qui subissent de multiples oppressions, y compris les personnes queers, trans, handicapées ou détraquées (Mad).

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‘’On ne parle pas de suicide dans les médias, c’est tabou’’. C’est une des phrases qui m’a marqué quand j’ai parlé du livre avec l’éditeur en chef des Éditions de la Rue Dorion. C’est aussi la raison de pourquoi j’ai voulu donner de la visibilité à une œuvre largement ignorée par les médias québécois. La fin d’année est toujours une période considérée comme plus difficile par beaucoup de personnes vulnérables et/ou ayant des enjeux de santé mentale. Malgré que cela reste un sujet sensible, il est important de plonger les deux mains dedans, de s’outiller et de réfléchir à des approches intersectionnelles, et leur portée sociale et politique, et de comprendre les causes systémiques qui poussent les gens au suicide.

Défaire le suicidisme propose une réflexion audacieuse et nécessaire sur le suicide à travers les prismes trans, queer et crip. L’ouvrage démantèle la psychiatrisation systématique du suicide pour y voir un acte potentiellement rationnel, particulièrement pour les personnes marginalisées confrontées à des violences structurelles continues.

Cette perspective radicale bouleverse les tabous : l’auteur.ice défend l’autonomie corporelle jusqu’à son terme ultime, incluant le suicide assisté hors du cadre médical paternaliste. L’analyse des oppressions croisées qui rendent certaines vies insoutenables est d’une lucidité implacable.

Œuvre polémique et dérangeante, Défaire le suicidisme force à confronter nos impensés sur l’autodétermination. Une contribution essentielle aux études critiques du handicap, malgré son potentiel clivant.

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  • Préface de Robert McRuer
  • Traduit de l’anglais par Philippe Blouin
  • 546 pages
  • Parution le 6 mai 2025
  • Format 14 x 20 cm
  • ISBN : 978-2-924834-71-8
  • Prix : 37.95 $
  • — Format e-pub —
  • ISBN : 978-2-924834-72-5
  • Prix : 25.99 $
  • https://ruedorion.ca/defaire-le-suicidisme