La pièce « Faire le bien » est un ensemble de récits dystopiques, qui ont lieu aujourd’hui à Montréal. Le texte,  co-écrit par Gabrielle Chapdelaine et François Archambault, nous permet de découvrir huit artistes de la relève sur la scène québéquoise. 

 Ils donnent aussi la réplique à l’impressionnante Eve Landry, qui incarne avec talent des figures viscérales. Cette mise en scène de Claude Poissant, assisté par Alexandra Sutto, peut nous faire penser à des dramaticules beckettiens. En effet les micro-récits ironisent autour du thème de la conscience de soi dans la société. Alors que la bien-pensance nous dicte un chemin collectif, on peut se poser la question suivante : la conscience nous fait-elle progresser?

La conscience peut nous faire progresser lorsqu’on essaye d’adopter un comportement digne, pour soi même et envers autrui. La première scène évoque l’alchimie du premier baiser, la bienséance voudrait que les mots apprivoisent l’âme avant de consommer le corps. L’excès de poésie rend la scène extrêmement drôle pour cette ouverture de soirée. Une autre situation nous confronte au dilemme de divulguer, ou non, l’adultère de nos amis. Les personnages s’empêtrent et se refilent la responsabilité comme la peste, la bonne décision collective n’est pas toujours facile. Toujours dans cette volonté de polir les dynamiques sociales, un groupe de parole s’intéresse à l’intelligence émotionnelle. La censure du maître de cérémonie pousse les participants dans différents retranchements, c’est une des scènes les plus drôles de la pièce. Et si cette distance émotionnelle, pensée pour nous libérer de nos pulsions animales, était finalement une forme de domestication morale. 

En définitive, la conscience ne nous fait pas progresser dès lors que l’humain est oublié au profit d’une société asservissante. Par exemple, une scènes traite de la déontologie d’entreprise. Comment choisir les bonnes personnes à licencier, quels conseils recevoir de la part de son psy, et comment savoir si on peut lui faire confiance… quand le serment d’Hippocrate devient le serment d’hypocrite! Ensuite il y a un passage plus que troublant sur la déshumanisation de la guerre, avec une interprétation d’Eve Landry à couper le souffle. Les mots étaient si crus, on ne savait pas si c’était possible d’entendre cela dans une salle de théâtre. Dans un autre contexte, la comédienne interprète un portrait de bourgeoise arrogante qui apostrophe un itinérant joué par Mehdi Boumalki. Alors qu’elle l’aide, elle voudrait contrôler les consommations du jeune homme, et l’utilise pour ses réseaux sociaux. Cette situation est un reflet de notre rapport à l’altruisme et à l’ingèrence qui s’opère. Enfin, une autre scène explore un féminisme collectif qui étouffe la femme en tant qu’individu. Deux collègues font une intervention pour une troisième employée. Elles lui transmettent un code secret de sororité très militaire sur les comportements à avoir pour s’endurcir à l’égal des hommes. Les dérives de la pensée contemporaine nous mène à l’opposé de la conscience individuelle. 

La scénographie nous accompagne vers une fin cosmique. On peut apercevoir la célèbre lune borgne du dessin de George Mélies. Ce symbole nous indique un voyage vers un monde illusoire où l’homme n’aurait plus assez d’oxygène pour raconter ses souvenirs. 

Au théâtre du Rideau Vert, 

du 27 août au 14 septembre 2024