« Dès l’enfance, on nous peint un portrait consensuel et idyllique de la vie des animaux de ferme, entre autres à travers les livres […]. On finit par y croire.»
À partir d’une expérience concrète et anodine, alors qu’elle prépare machinalement un repas, l’autrice se heurte à une contradiction fondamentale: elle, pourtant si empathique, s’apprête à consommer un être doué de sensibilité, qui a souffert toute sa vie pour lui procurer quelques instants de saveur. C’est le point de départ pour elle d’une série de réflexions engageantes sur notre rapport à l’animal, sur les pratiques cruelles des abattoirs, sur notre dissonance cognitive, mais aussi sur les problèmes environnementaux auxquels nous faisons face.
À travers un argumentaire rafraîchissant qui anticipe toute critique, Comment (et pourquoi) je suis devenue végane s’adresse à toute personne préoccupée par les conséquences de ses choix alimentaires, curieuse d’en comprendre plus précisément les enjeux et soucieuse d’adopter des comportements plus cohérents avec ses valeurs éthiques.
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De toutes les causes anti-discriminations, le spécisme est probablement l’une des plus controversées. Encore aujourd’hui, les animaux non-humains (tels qu’on les appelle) ne sont que très peu souvent considérés comme des êtres sensibles, dotés d’une intelligence et ayant la capacité de créer des liens sociaux avec les leurs (et avec les animaux humains). Les militant.es peinent à faire passer leur message comme quoi chaque être vivant devrait avoir le droit à la dignité et à la liberté de faire ce qui lui semble. Ce n’est pas le cas avec les animaux, encore moins ceux d’élevages. Jamais dans l’histoire de l’humanité nous ne pouvions compter autant de victimes annuellement (l’industrie de la consommation animale fait plus de 80 milliards de victimes sur la planète). Pour ces êtres, dont la vie n’est qu’une suite de souffrances, il est difficile d’envisager un autre avenir plus lumineux et libre. L’industrie animale est un des lobbys les plus riches et puissants du monde et il est basé sur la pure et unique exploitation de la vie animale. Dès notre plus jeune âge, selon notre culture, nous apprenons que les êtres humains doivent manger de la viande pour survivre (des dizaines d’études parues depuis les dernières décennies prouveront le contraire, au grand dame de ceux.celles profitant de l’industrie animale).
Le véganisme ne date pas d’hier, encore moins d’il y a 50 ans. Certains peuples ont abandonnés la viande animale comme nourriture depuis bien plus longtemps. Heureusement, la pensée végane a fait du chemin depuis les dernières décennies et gagnent des nouveaux.elles adeptes à chaque année.
Ève Marie Gingras est l’une d’elle. Massothérapeute et diplômée en arts visuels à l’UQAM, Ève Marie a vu son rapport à la consommation animale changer du tout au tout alors qu’elle plongeait les mains dans de la viande hachée, alors qu’elle préparait un repas. Le parallèle de la sensation tactile entre malaxer de la viande animale et de la chair humaine (lors de ses séances de massothérapie) lui est apparue comme une épiphanie. S’en est suivi un long processus de recherche, de conscientisation et, bien sûr comme dans toutes les causes anti-discriminations, une honte. Celle que nous avons quand nous prenons conscience que nous sommes responsables d’infliger de la souffrance à autrui. L’idée d’en faire une bande dessinée, a posteriori, s’est imposée de soi.
Globalement, la bande dessinée sert surtout d’introduction sous la loupe subjective de l’autrice. Pour ceux.celles qui sont déjà véganes depuis longtemps, le livre semblera peut-être sommaire dans les sujets traités (le livre ne fait que 125 pages, il est donc difficile de tout couvrir en un seul livre, encore moins quand c’est une introduction). Il existe notamment d’autres lectures que nous vous conseillons pour approfondir vos connaissances à ce sujet (pensons notamment à l’essai La philosophie à l’abattoir publié par Atelier 10 ou encore Zoopolis de Sue Donalson).
Là où l’oeuvre prend toute son ampleur, c’est dans son approche d’introduction. Il permet à quiconque n’étant pas végane (ou n’ayant peut-être pas une idée précise sur ce en quoi cela consiste) de se mettre à la place de l’autrice, qui cherche surtout à nous faire entrer dans son récit d’un point de vue sensible. L’approche très personnelle permet de s’éloigner des potentiels discours accusateurs que les mangeurs de viande semblent prendre en horreur (il n’est agréable pour personne de se sentir coupable de quelque chose, surtout quand tout cela n’existe que pour notre confort personnel).
Le processus de conscientisation nous fait forcément passer par le chemin inconfortable d’apprendre ce qui nous arrangeait de ne pas savoir. Oui, les animaux d’élevages sont maltraités toute leur courte vie avant de finir en viande de (piètre) qualité. Les élevages dit »fermiers » ou »bio » sont mieux au sens où les animaux ne souffrent pas (ou bien moins) durant leur vie mais finissent malgré tout par être tués bien en deçà de leur espérance de vie (une vache peut vivre jusqu’à 25 ans et un poulet jusqu’à 15 ans). Pour ceux.celles n’étant déjà pas »fan » de viande », ielles semblent se rattraper avec le fromage, le lait et les oeufs. Malheureusement, pour que les vaches produisent du lait (que l’on transforme en fromage), elles doivent être inséminées (de force) pour mettre au monde un veau (qui sera enlevé et abattu). Le processus répété plusieurs fois éreintent énormément les vaches (imaginer ce que cela donne quand une femme humaine donne vie à un enfant annuellement pendant 10-15 ans de sa vie, et les traumatismes venant avec la disparition de chaque enfant dès la naissance). On peut penser que les poules s’en sortent mieux puisqu’elles pondent naturellement, sans insémination. La réalité est tout autre. Bien sûr, les poules pondent des oeuvres. Mais les mâles (poulets) ne pondent pas. Et comme c’est une bouche à nourrir, les éleveurs ne peuvent se contenter de faire pondre les poules et d’entretenir les poulets toute leur vie durant (donc une quinzaine d’années). En conséquence, les poussins sont triés dès leur naissance. Les femelles rejoindront le rang des poules pondeuses et les mâles seront broyés automatiquement, quelques minutes après le tri. Le milieu de l’élevage bio est à des lieux de l’industrie sauvage des abattoirs commerciaux, nous sommes d’accord. Mais d’un point de vue éthique, rien ne justifie que l’on tue un animal. L’industrie bio clame que les animaux sont heureux à vivre dans les champs. Mais si les animaux sont heureux, n’est-ce pas une raison de plus pour les laisser vivre ? Les êtres humains ont prouvés maintes et maintes fois que nous pouvions vivre sans consommer de produits animaux. Mais ces discours sont souvent perçus comme extrémistes car ils feraient atteinte à la »liberté » des droits individuels des êtres humains (dits animaux non-humains) de pouvoir manger de la viande. Peu importe ce que l’on en pense, manger de la viande est un privilège et non un droit. La preuve, énormément de peuples appauvris se passent de viandes animales car ielles ne peuvent tout simplement pas se le permettre financièrement.
La crise climatique est de plus en plus sur toutes les lèvres (cela s’est vu être exacerbé depuis le début de la pandémie). Beaucoup de gens appellent quotidiennement leurs concitoyen.nes à revoir leur mode de consommation pour opter pour des régimes végétariens et végétaliens (véganes). La consommation animale est responsable d’un très grand pourcentage des gaz à effets de serres et beaucoup s’entendent pour dire que cela nous mènera droit à notre perte si nous n’opérons pas un changement drastique de nos habitudes de vies. D’un point de vue écologique, éthique et économique, consommer des produits animaux semblent de plus en plus appartenir au passé. Mais même si un pourcentage de la population canadienne aurait adoptée un régime végane depuis 20 ans (près de 600 000 personnes selon cet article1), le changement est malheureusement grandement insuffisant.
Il faudra choisir entre notre confort et notre survie. Nous ne pourrons pas choisir les deux. Mais pour y arriver, il faudra d’abord passer par le chemin de la conscientisation, et l’oeuvre d’Ève Marie Gingras pourrait être pour beaucoup une très belle porte d’entrée (encore plus pour les enfants). Le livre permet d’introduire les principes de la pensée végane tout en apportant de nombreuses pistes de solutions. L’autrice permet également de déboulonner un grand nombre de mythes (adopter un régime végane ne coûte pas plus cher qu’un régime à base de produits animaux) et d’arguments souvent tenus par les partisans de l’industrie animale (manger de la viande est un droit, nous avons besoin de viande pour survivre, les carottes souffrent elles aussi quand on les arrache de leur sol natal, etc…).
Même si personne n’aime avoir tord et se sentir coupable, le débat n’est pas là. Il ne s’agit pas d’avoir raison ou tord, ou encore de distribuer les blâmes, mais de réfléchir à des solutions durables et il semblerait que la consommation animale semble, jour après jour, devenir l’un des principaux rouages de notre disparition à venir.
1– https://www.latribune.ca/opinions/le-canada-compte-pres-de-600-000-veganes-le-plus-haut-taux-enregistre-en-trois-ans-85d61d7c62406649d0de36136d2f756f
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Diplômée en arts visuels à l’Université du Québec à Montréal, Eve Marie Gingras travaille comme massothérapeute depuis plus de dix ans. Son intérêt pour l’éthique et son amour des animaux, associés à un besoin de se sentir utile, l’ont ramenée derrière la table à dessin. Comment (et pourquoi) je suis devenue végane est sa première bande dessinée.
Parution
AOÛT 2020
EUROPE
SEPTEMBRE 2020
PAPIER
PRIX
24$ / 18€
NOMBRE DE PAGES
144
ISBN
978-2-89719-597-7
NUMÉRIQUE
PRIX
17.99$ / 12.99€
ISBN PDF
978-2-89719-598-4