Une collaboration exceptionnelle entre trois éditeurs québécois et 125 éditeurs français pour contrer les empires médiatiques et les idées d’extrême-droite qu’ils propagent.
Déborder Bolloré, ouvrage collectif coordonné par le collectif informel Informer n’est pas un délit, se présente comme un acte de résistance. Plus qu’une simple enquête, ce livre est un geste politique fort contre la concentration des médias et une alerte sur l’état critique de la liberté d’expression en France. À travers une série de récits, d’analyses et de témoignages, il déconstruit le système Bolloré, dévoilant un pouvoir tentaculaire aux méthodes brutales, silencieuses, mais redoutablement efficaces.
Vincent Bolloré, figure emblématique du capitalisme français, n’est pas qu’un homme d’affaires. Il est devenu un acteur idéologique, un faiseur d’opinions, un censeur d’une redoutable efficacité. Son emprise sur les médias — Canal+, CNews, Europe 1, Hachette, Prisma, etc. — ne relève pas d’une logique purement économique mais bien d’un projet politique, réactionnaire et autoritaire, qui menace directement la liberté d’expression et le pluralisme démocratique. Ce livre en fait la démonstration implacable.
Sur le fond, Déborder Bolloré documente la manière dont l’homme d’affaires saccage l’indépendance des rédactions : licenciements massifs de journalistes jugés « trop critiques », pressions juridiques, autocensure induite, alignement sur une ligne éditoriale droitière, voire d’extrême droite. Mais au-delà du cas Bolloré, l’ouvrage pose une question politique brûlante : dans quelle mesure peut-on encore parler de liberté d’expression dans un espace médiatique contrôlé par quelques oligarques aux intérêts privés ?
Ce qui rend ce livre particulièrement précieux, c’est qu’il ne s’arrête pas au constat. Il appelle à une mobilisation collective, à une résistance politique qui dépasse les cercles journalistiques. Il s’adresse à tous les citoyens qui considèrent l’information comme un bien commun, une condition de possibilité du débat démocratique. Le choix du mot « déborder » n’est pas anodin : il s’agit de sortir des cadres, de ne pas se contenter de riposter, mais de submerger l’ordre établi par l’action collective, créative et déterminée.
Dans une France où la parole critique est de plus en plus criminalisée — qu’il s’agisse des lanceurs d’alerte, des syndicalistes, des écologistes ou des journalistes d’investigation — Déborder Bolloré s’érige en manifeste pour une parole libérée, émancipée des logiques marchandes et politiques qui la musellent. Le livre rappelle que la liberté d’expression ne peut survivre que si elle est défendue activement contre ceux qui cherchent à la restreindre, à la privatiser, à la soumettre.
Enfin, la force de cet ouvrage réside dans sa forme polyphonique : les voix s’y croisent, s’y répondent, illustrant à merveille ce que devrait être un véritable espace public — multiple, contradictoire, vivant. Ce n’est pas un livre pour convaincre Bolloré ou ses semblables, mais pour réveiller les endormis, outiller les indignés et renforcer celles et ceux qui refusent de se taire.
En ce sens, Déborder Bolloré n’est pas seulement un acte d’expression : c’est un acte de désobéissance.
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