Dans cette oeuvre en 3 volets, Mark Lawes et Raphaële Thiriet se font enquêteurs sociologiques à la recherche d’un langage scénique multidisciplinaire à même de sonder la conscience de notre société contemporaine schizophrène. Au départ, préoccupés par l’usage grandissant des technologies et leurs impacts sur nos comportements et nos rapports aux autres, ils convoquent danse, philosophie, musique pop-rock, installation ready-made et vidéo dans un vaste chantier de reconstruction des futurs possibles. La trilogie suit le cycle de vie d’une étoile et d’un possible réenchantement de notre monde pré-apocalyptique.

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À trop vouloir viser large, on se retrouve à tomber dans le flou.

C’est un peu avec ce sentiment que l’on ressort de la salle après 3h de spectacle, durée relativement injustifiée puisque le propos aura été saisi par le public assez rapidement. La première partie ayant fait le tour de ses questionnements principaux, on se demande à quoi servent les deux autres parties puisque tout (ou presque) n’est que redite exécuté sous d’autres formes. C’est Jean-Pierre et Pierre-Jean.

Si l’on écarte le fait que la pièce s’étend en longueur, on peut malgré tout saluer l’implication des trois interprètes qui auront à soutenir tout un morceau durant la représentation. Dans cette longue suite de tableaux, on passe d’un univers à l’autre en ne sachant pas trop quels sont les liens entre eux et on se questionne sur l’ordre même des tableaux. On a l’impression que l’ordre pourrait être différent à chaque jour sans que cela n’affecte réellement la compréhension de la pièce tant rien, dans ce qui se construit, ne semble affecter la compréhension du récit. Bien que l’approche du projet soit multidisciplinaire, il est difficile de comprendre en quoi l’utilisation de plusieurs médiums est pertinente puisque ce qu’on nous apprendra par la vidéo aura été abordé 30 minutes avant par la danse ou une scène de théâtre style soap-opéra. En ce qui concerne le jeu, là aussi le bât blesse. Les styles de jeu changent au fur et à mesure de la représentation et on ne sait pas si on fait face à une satire ou à une scène mal dirigée – la limite est parfois mince et nous fait malheureusement douter du travail ayant été mis dans ces sections peu convaincantes. Le projet s’en serait peut-être mieux sorti si il n’y avait pas eu autant de texte. Cela dit, certains passages sont très bien écrit et viennent nous chercher, nous permettant de réellement réfléchir à ce qui nous a amené, en tant qu’être humain, à perdre cette connexion opérant entre corps, coeur et cerveau. Quelques moments vidéos sont aussi saisissants de par la qualité de la direction photographique. Il est donc étrange qu’il y ait à ce point un manque d’équilibre dans la qualité des tableaux assemblés les uns après les autres.

Esthétiquement, on a l’impression d’avoir assisté à une longue suite des clichés du théâtre contemporain (sans que ceux-ci n’ajoutent quoi que ce soit à la dramaturgie de la pièce) : le costume de mascotte, la chanson au karaoké, le musicien sur scène, l’utilisation abusive du micro, les ballons, quelques pièces de mobilier éparpillées sur scène (sans oublier le tapis de faux gazon et le barbecue), la projection vidéo, la fumée et la partition duo de danse contemporaine intense. Bien que chacun de ces éléments puissent être utilisés de manière percutante dépendant du contexte, ce n’était pas le cas de ce spectacle – et c’est bien décevant. Il est rare de voir des spectacles acceptant de plonger à pleines mains dans une démarche multidisciplinaire, il est donc dommage de voir que l’utilisation des médiums ait été aussi peut recherchée. Le spectacle pourra nous faire penser, dans son approche, à ceux de Falk Richter ou encore de Christian Lapointe. Ne manque que le point central : une dramaturgie forte et précise. Ce manque d’équilibre nous laissera devant ce qui semble être un laboratoire plus qu’un spectacle terminé. En revanche, les spectateurs.trices n’ayant que rarement vu des spectacles de théâtre contemporain y trouveront peut-être leur compte. Pour les habitués, cela risque de parfois sentir le réchauffé.

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Fondé par Mark Lawes à Calgary, Theatre Junction est un lieu d’expérimentation multi-disciplinaire dédié à la création et à la dissémination de performances contemporaines. La Trilogie Supernova a été développée en résidences à l’Usine C, au Théâtre Koreja (Italie), au Carré Colonnes (France) et au Théâtre 140 (Belgique).

Conception – Mark Lawes
Co-création – Mark Lawes et Raphaële Thiriet avec le Theatre Junction
Mise en scène – Mark Lawes
Interprètes – Frédéric Lavallée, Melina Stinson, Raphaële Thiriet
Scénographie – Mark Lawes avec David Alexandre Chabot
Conception d’éclairage – David-Alexandre Chabot
Art vidéo – Kyle Thomas
Composition musicale et musique live – Ian Jarvis
Directeur technique – Samuel Thériault
Production – Theatre Junction Coproduction Carré Colonnes(France), Théâtre 140 (Belgique) Pour sa création, La Trilogie Supernova a bénéficié de cycles de residences à l’Usine C et au Théâtre Aux Écuries, au Teatro Koreja (Italie), au Carré Colonnes (France) et au Théâtre 140 (Belgique).

Ce projet est l’un des 200 projets soutenus par le programme Nouveau chapitre du Conseil des arts du Canada.
Une présentation de l’Usine C.