Une prêtresse psalmodie sa douleur. Sa voix érafle l’âme. Trois hommes émergent des profondeurs de la terre. Le chorégraphe libanais Ali Chahrour accomplit une cérémonie primitive dont l’intensité émeut. Entre profane et sacré, le deuil s’amorce avec une furieuse vitalité.

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Une voix perce le lieu. Tranquillement, elle est engloutie par un grondement qui prend de plus en plus de place et envahi la salle. Puis le silence soudain.

Trois hommes se lèvent dans la première rangée et arrive sur scène pour rejoindre la chanteuse (Hala Omran) qui sort de la noirceur. Deux musiciens et un danseur (Ali Chahrour) composeront le groupe qui entamera ce rituel épuisant.

Chants déchirants, danses cryptées, rythmes séculaires ; la puissance salvatrice du rituel funéraire éclate. Ultime œuvre d’une trilogie autour de la mort et de ses rites, May He Rise and Smell the Fragrance confère une dimension anthropologique à l’histoire intime. S’adressant d’abord au peuple libanais, le chorégraphe plonge dans les mythes arabes à travers les rituels chiites. Le titre réfère à Ishtar, divinité de la culture mésopotamienne descendant aux Enfers. Une musique provoque un état de transe chez les spectateurs comme chez la déesse, dont l‘émancipation passe par une incommensurable affliction. Dans un monde en guerre perpétuelle, les hommes meurent, les femmes les pleurent : leurs larmes et leurs cris percent la nuit. Pour l’éternité.

Bien que le deuil soit quelque chose d’universel, il est vécu bien différemment selon les cultures. En général, dans la culture occidentale nord-américaine, elle est vécue en silence et dans la plus grande retenue. Chez les peuples de la méditérannée et du Moyen-Orient, c’est l’opposé : les chants sont libérateurs et viscéraux, les danses, transcendantales. Les rituels permettent de se reconnecter à notre spiritualité et d’ouvrir une porte entre ce qui est humain et ce qui est sacré.

Comme stipulé dans le programme, le spectacle d’Ali Chahrour s’adresse d’abord au peuple libanais. Bien que certains référents puissent nous manquer, cela ne nous empêche pas de nous connecter à la tragédie qui s’abat sur les humains quand ielles perdent des êtres chers. Le chant, la danse et la musique composent ici un trio indissociable dans lequel les interprètes se donnent jusqu’au bout. Les images se construisent et se déconstruisent, les fragments qu’il reste d’une image se recomposent en une nouvelle. On regrettera simplement ne pas avoir assez accès aux paroles chantées, qui pourraient nous donner un peu plus de matière pour compléter la part très émotive du spectacle.

Le créateur Ali Chahrour propose ici une oeuvre radicale, hypnotisante et profonde d’humanité.

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Du 25 au 27 mai

Cinquième salle (Place des arts)

http://fta.ca/spectacle/may-he-rise/