Cinq voitures. Cinq univers. Cinq histoires. Des témoins d’un même accident de la route nous racontent à leur manière cet événement. Le public est invité à être passager dans chacune de ces voitures l’instant d’un moment pour entendre ces témoignages. Mais, il ne sera pas que simple spectateur, il prendra part au développement de ces histoires en interagissant avec les protagonistes.

Une expérience théâtrale interactive unique et intime.

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Crée en 2015, le diffuseur JokerJoker détonne dans le paysage de la ville de Québec. Rares sont les diffuseurs proposant des programmations (in situ, qui plus est) aussi éclectiques. C’est donc avec Sortie de route que se termine la saison 2018-2019.

Le ciel est encore éclairé alors que je me retrouve à l’entrée d’un stationnement intérieur où cinq voitures sont stationnées proche les unes des autres. Le spectacle commence d’abord par une chorégraphie des six interprètes entouré.es de débris de voitures jonchant le sol. Puis chacun.e d’eux.elles rentrent dans leur voiture respective. Les spectateurs.trices sont invités à choisir leur voiture, déterminant ainsi l’ordre dans lequel les différentes scènes se dérouleront pendant la soirée. Chaque véhicule a son univers bien distinct et la proximité est bien évidemment gagnante dans de telles situations. Les interprètes ne sont pas figé.es dans leur texte et se permettent d’interagir et d’improviser avec les personnes avec qui ils.elles partagent la voiture. Certains univers sont un peu moins calibrés que d’autres (équilibre entre texte, interprétation et l’univers crée) mais la pièce reste rythmée.

La pièce Sortie de route est un assemblage de témoignage de personnes ayant assistées à un grave accident sur l’autoroute entre Québec et Montréal. Un camion citerne se serait renversé et le conducteur d’une voiture serait mort dans l’accident alors qu’il se rendait à l’hôpital rejoindre sa femme entrain d’accoucher de leur premier enfant. On assiste à ces scènes comme des paysages intérieurs post-traumatiques. Que laissent des images aussi fortes derrière elles ? Quel impact peut avoir un accident dont nous sommes seulement les spectateurs.trices ? De quelle manière cela vient jouer avec nos référents ? Dans ce cas-ci, il est question de la mort du père qui ne connaitra jamais son enfant. On comprend donc quelle corde sensible cela vient toucher chez les personnages. Une fille se rappelle sa fausse couche avec son ex, un autre se questionne sur son utilité dans la vie et de l’impact qu’à eu l’absence de son père dans la sienne, une avocate se rappelle la mort de son fils assassiné… Les textes/monologues sont bien ficelés quoique parfois inégales dans leur force, même si cela reste tout à fait subjectif aux spectateurs.trices selon la thématique abordée dans un véhicule donné. Il en va de même pour l’interprétation des comédien.nes. Il faut par contre saluer au passage la performance percutante de Valérie Laroche dans son rôle d’avocate. On peut aussi remercier les concepteurs.trices de s’être autant donné.es dans le détail à l’intérieur de chaque véhicule qui ajoute au réalisme de la pièce. Les passages chorégraphiques au début et à la fin, même si bien exécutés, n’apportent pas grand chose aux courtes chorégraphies déjà présentes à la fin de chaque monologue dans les voitures. Ces deux chorégraphies sont tout au plus une certaine redite. Peut-être aurait-il été intéressant de voir les interprètes interagir plus entre eux.elles pendant le spectacle et briser le cadre installé car, même si les propositions étaient claires, le réalisme pouvait nous faire décrocher et écouter d’une seule oreille. Peut-être que cela nous aurait permis de sortir de ce réalisme et de tomber dans un potentiel onirisme dans lequel les chorégraphies tentaient de nous amener.

Quoiqu’il en soit, des propositions telles que programmées par JokerJoker sont toujours les bienvenues et il ne reste qu’à espérer qu’ils.elles auront plus de soutien de la part des instances de financement. Peu de personnes peuvent se vanter de prendre le risque de sortir du cadre habituel auquel nous ont habituées les institutions, et dans lequel nous étouffons toujours un peu plus d’une année à l’autre. C’est ce que JokerJoker cherche à faire, et on leur souhaite longue vie !

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Une production de Des miettes dans la caboche – Compagnie théâtrale.

Crédits

Auteurs – Mario Laframboise, Maryse Lapierre, Fanie Demeule, Stéphane Bientz, Hubert Bolduc
Mise en scène – Hubert Bolduc
Distribution : David Biron, Miguel Fontaine, Jeanne Gionet-Lavigne, Valérie Laroche, Vincent Michaud, Catherine Oksana Desjardins, Angélique Patterson
Chorégraphe – Karine Chiasson
Éclairagiste – Keven Dubois
Conception sonore : Gabriel Desjardins
Scénographie : Mélanie Robinson, assistée de Daphnée Tasia Bourdages-Athanassiou
Direction de production : Joëlle Bourdon

Dates restantes :

Vendredi 21 juin – 20h00 et 22h00
Samedi 22 juin – 20h00 et 22h00

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JokerJoker est un diffuseur nomade de spectacles multidisciplinaires qui profite de sa liberté de nomade pour s’adapter à chacun de ses collaborateurs. L’organisme a été fondé en 2015 par Thomas Langlois et Émile Beauchemin. Faisant de l’artiste créateur la priorité et le centre de sa démarche de diffusion, JokerJoker s’engage à procurer le lieu, le moment et la visibilité idéaux à chaque projet diffusé.

Pour plus d’infos sur le spectacle et sur JokerJoker : jokerjoker.co